vendredi 17 mai 2013

L'initiation



La troisième semaine de mai... habituellement celle où l'on ressent que le printemps capricieux nous quitte déjà en douce pour faire place à la constante chaleur. Les feuilles sont pleinement sorties, les abeilles font leur travail, la nature chante.

C'est aussi l'époque de l'année où nous célébrons la première fête de nos quatre enfants: celle de Grande Ado, qui n'est plus du tout une ado malgré son caractère encore bien bouillant. Je me rappelle tant ce premier vrai coup de foudre. Avant elle, la vie n'avait pas cette profondeur.

Au moment de sa venue au monde, je vivais moi-même ma vie de presque plus une ado, l'ayant eue à 19 ans, âge qu'elle atteindra cette année. Elle était désirée, cette pouponne, bien que non planifiée. J'ai tant caressé cette énorme bedaine nouvellement irisée de petits chemins rougeâtres, contemplant du coup mes traits gonflés et mes pieds de géant alors que mes amies surveillaient leur ligne et soignaient leurs propres traits avec du maquillage. J'étais la nouvelle maman la plus jeune et sans avenir de mon petit village, mais moi, j'étais à mon sens une privilégiée. Je venais tout à coup de comprendre le sens de mon existence, et du même coup j'avais casqué en pleine face une grande bouffée du merveilleux mystère de la vie elle-même.

J'avais la fougue de mes années de jeunesse, l'idéal romanesque d'une jeune fille en fleur, l'émotivité à fleur de peau en toute circonstance. Je crois qu'un tel état d'esprit a contribué à faire naître en moi cet univers de "maman de famille nombreuse" dont je vous ai si souvent entretenu. Ma fibre maternelle a vu le jour quelque part dans un fourmillement d'élans du cœur, d'emportements enthousiastes et d'émerveillements propres à l'enfance et à l'adolescence. À l'âge où l'on aime souvent sans retenue, j'ai tenu au creux de mes bras une petite masse de chair rose à l'odeur sublime qui a fait douloureusement battre mon cœur d'un bonheur trop, trop grand pour être mis en mot. J'ai aimé la vie dans ses premiers balbutiements, étant moi-même à l'âge tendre ou on la découvre habituellement encore sans toutefois pouvoir l'appréhender vraiment. Sans prévenir, j'ai eu conscience de ma vie, puis de celle que j'avais pu recréer en mon sein, et finalement de toute la fragilité de l'ensemble, de même que son indescriptible magie. Une initiation, voilà ce que des mystiques en diraient. Regarder dans ses yeux, c'était vivre mille printemps, c'était mourir et naître, c'était pleurer et jouir à la fois, c'était fondre avec le tout en une confiance infinie.

Depuis, j'ai aimé et aimé encore. Mes élans ne m'ont jamais quittés. Sous la carapace et le vernis, je suis demeurée cette petite femme terrassée de bonheur quand je regarde ma progéniture. Ce qui leur arrive m'arrive aussi, je respire leur joies, leur peines, ou tout simplement leur blues. Leurs besoins sont les miens, je les ressens comme tel, de la soif au câlin.

Je considère avoir reçu ce jour là, le jour de la naissance de ma fille aînée, un cadeau inestimable, un don précieux. C'est elle qui m'a sauvée, et non le contraire comme on a sans doute pu le penser puisque j'étais alors monoparentale, jeune et sans études, demeurant chez mes parents. J'ai à partir de ce jour été une femme, une mère, et j'ai pu assumer enfin tous ces instincts que je sentais au fond de moi.

Bon anniversaire, ma Chacha! xxx

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Que de beaux mots... mais ceci est bien plus qu'un texte, c'est tout un hommage à l'amour d'une maman pour ses petits....

Unknown a dit…

Quel beau texte d'amour!

La Mère Michèle a dit…

Merci les filles <3

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