L'univers de Grande Ado est bien différent du mien à son age. Quand j'avais 16 ans, les films qui jouaient au grand écran étaient remplis de scènes d'amour édifiantes ou d'épopées chevaleresques. Je pense à
Robin des Bois joué par
Kevin Costner, les
Trois mousquetaires, etc. Chaque fille que je connaissais alors recherchait l'Amour avec un grand A. Nous parlions du nombre de bébés que nous aurions ainsi que de la façon de les élever. Bien sûr, nous allions faire carrière, mais jamais sans famille et enfants! Nous accordions énormément d'importance à ce que notre partenaire, quand nous en avions un bien entendu, ait la même vision que nous en ce qui concerne le mariage officiel (grandiose évidemment), et notre future vie de couple qui s'en suivrait. Et puis, pour passer le temps, on écoutait
Michael Bolton,
Hélène de Roch Voisine... Bref, l'amour romantique était au coeur des préoccupations de l'époque.
Comme les choses ont changé depuis! Aujourd'hui bien souvent, les jeunes filles à l'école sont des "
chicks" ou des "
sexy bitch". Au lieu de "
Take on me", "
Y a de l'amour dans l'air" et "
Another day in Paradise" à
Musique Plus, on a des vidéos Hip Hop avec des femmes objets, on a l'hyper-sexualisation, on a des films "rapides et dangeureux". On est loin de
Superman! Encore plus loin de la
Guerre des Tuques! Entendons-nous, cette époque-ci n'a pas inventé le sexe et le machisme mais c'est tellement, tellement partout dans l'univers des jeunes, n'est-ce pas? Et de toute façon, on ne s'offre plus une bague, maintenant on collectionne les piercing en diamants, plutôt. On ne s'entretient plus du futur, mais des fonctions de notre nouveau téléphone cellulaire ou lecteur de musique. On a tué la romance, on l'a délaissée au profit du réalisme cru, exit le rêve à l'eau de rose, vu comme une perte de temps.
C'est dans ce contexte que notre Ado a eu samedi soir le choc de sa vie. ;o) Elle qui évolue dans ce monde pratique, où les familles de la plupart de ses congénères sont tombées sous le couperet du divorce (intense, mais vrai), où l'on aborde la vie de façon inquiétante à grand coup de récession, d'épidémie grippale ou encore de réchauffement climatique, où la relation amoureuse est vue non pas comme un accomplissement mais bien comme un acte social, un passage obligé, prélude à l'union officielle qui sera encadrée et réglementée plutôt que vécue dans l'exaltation échevelée des engagements éternels (je ne parle pas de religion ici mais bien de don de soi). Dans ce monde, les coups de foudre sont devenus rares, les familles
jeunes également. Dans ce monde, les gens se choisissent, se structurent, et attendent passé la trentaine pour les bébés, question de vivre
avant. Dans ce monde, un élan du coeur est très souvent un élan qu'il faut contrôler, sous peine de faire de graves erreurs! Dans ce monde peu de choses durent: on déménage souvent, on change souvent de travail, pourquoi accorder tant d'importance aux gens? Qu'est-ce qu'un ami
d'enfance? Qu'est-ce que le virtuel ne peut pas remplacer?
Samedi soir nous faisions un souper fondue. Notre petit dernier est un as des as! Agé de deux mois, il sait quand dormir pour nous permettre de manger, et même de discuter! Les filles étaient d'humeur gaillarde, affichant leur toute nouvelle coiffure datant de l'après-midi même, et les parents partageaient cette humeur à la faveur d'un excellent vin californien. La famille était ainsi réunie comme à tous les soirs. Grande Ado aurait exceptionnellement dû être absente pourtant, car une soirée pyjamas avait été organisée chez une copine. Cependant, les parents étant en instance de divorce, l'un d'entre eux s'était opposé à la tenue de l'évènement, semblerait-il pour gagner des points dans une guerre avec l'autre. Triste. Mais sans cela, notre discussion n'aurait pas eu lieu, alors soit.
Étrangement, quand la question survînt, je me rendis compte qu'elle n'avait jamais été posée véritablement. Notre Ado cherchait à retourner sur les traces de ses débuts dans l'existence. Elle cherchait à reconstituer l'arrivée de Petit mari dans ma vie, que je partageais alors exclusivement avec elle en monoparentale. Très certainement, ce genre d'exercice tenait de la quête identitaire. Elle nous demanda alors de relater les circonstances de notre rencontre.
Quelque part dans le récit, elle m'arrêta subitement:
Fille-"Quoi? Papa est venu habiter chez toi la journée même de votre rencontre?"
Mère-"En quelque sorte, oui. Nous avons été présentés pendant une soirée, nous avons causé toute la nuit sans nous quitter, puis convenu d'un rendez-vous le lendemain. Nous sommes allés dormir à la fin de cette seconde journée de couple, tous les deux chastement dans un même lit, pour être près l'un de l'autre tout simplement (et c'est vrai). À partir de ce moment, nous avons partagé nos nuits, et ce depuis 15 ans."
Fille-"Quoi, il n'avait pas d'appartement?"
Mère- "Bien sûr! Il est d'abord allé chercher sa brosse à dent, puis sa télévision, les restes de son frigo et sa garde-robe. Son appartement, il l'a finalement sous-loué puisqu'il ne l'habitait plus."
Fille ébahie- "Mais... pourquoi??"
Mère- "Et bien, parce que nous ne voulions plus vivre une minute l'un sans l'autre. Nous étions prêts pour notre aventure de couple et rien, ni le jugement de l'entourage, ni la raison sociale, n'aurait pu briser cet élan du coeur."
Fille- "Ça n'arrive qu'au cinéma! C'est donc bien hot!"
Mère- "Nous avons écouté notre coeur, tout simplement. Nous sommes devenus une famille, nous n'avions pas peur d'essayer, de nous engager. De toute façon, c'était plus fort que nous, c'était un
coup de foudre!
Là, c'était comme si j'avais parlé d'un phénomène astronomique rarissime tel une comète frôlant la terre.
Mère- s'amusant de l'étonnement de sa progéniture: "Ce n'est pas tout: nous nous sommes fiancés trois mois plus tard".
Fille- psalmodiant les mains au ciel: "Trois mois, trois petits mois??"
Mère- toujours souriante: "Et oui, alors vînt le mariage cinq mois plus tard."
--Une bombe dans un paysage où les gens se fiancent au moins dix ans avant de passer à l'acte, sinon jamais!--
Fille- ... silence
Mère- "Une fois mariés, papa t'a adoptée quelques mois plus tard."
Fille- "Était-il obligé?"
Mère- pouffant de rire: "Mais non voyons! Mais il voulait que tu portes son nom. Il voulait aussi conserver des droits sur toi advenant mon décès. Il voulait que tu sois vraiment sa fille."
--Un engagement qui l'honore toujours et dont peu d'hommes auraient été capables, même à
l'époque--
Fille- "Mais c'est une vrai histoire d'amour ça! Une vraie!!"
Mère- le coeur un peu serré devant cette spontanéité: "Je crois qu'on peut dire que cela."
Fille- "C'est rare au bout!"
-- Là, mon coeur s'est serré tout-à-fait, non pas de chagrin mais d'espoir. Je voudrais tant qu'elle puisse goûter à une relation telle que la mienne, en tant que Femme amoureuse.
Depuis quand l'amour et l'engagement sont passés de mode? Je ne sais trop. Mais je suis certaine que cela n'est pas complètement disparu. Trouveront-elles des hommes prêts à vivre vraiment à deux pour longtemps? Seront-elles des femmes prètes à cela également?
Je sais, j'ai énormément usé de généralisation dans ce billet. Notre époque n'est pas si noire, il y a encore des films et des chansons d'amour. Et certaines familles sont très unies.
Je sais aussi que tout le monde ne vit pas sa relation de couple comme nous avons vécue la nôtre. Une telle fusion n'est pas toujours faisable, ni souhaitable. C'était bon pour nous. C'était tout à fait romanesque, comme je l'avais souhaité petite fille. C'était l'Amour à
notre façon à nous.
Cependant, je crois que les exemples d'engagement durable diminuent de façon alarmante dans notre société d'aujourd'hui. Nos parents dans la soixantaine en sont souvent les seuls représentants, et pour si peu d'années encore! C'est l'engagement réel qui fait la différence.
Je souhaite ardemment que notre vie de famille, et surtout notre exemple en tant que couple, fasse naître et entretenir le désir chez nos enfants de chérir les relations humaines à long terme, sans prenez-jetez, sans marchandage. Je souhaite qu'elles sachent vraiment se donner à fond sans regarder derrière, sans craindre l'échec et ainsi pécher par excès de méfiance. Je souhaite qu'elles sachent quitter parfois leur zone de confort quand le jeu en vaut la chandelle, particulièrement quand il s'agit d'aimer, quand il s'agit de procréer, quand il s'agit de vivre sans compter. J'espère qu'elles seront des Femmes à part entière, des Amoureuses passionnées, des Mères assumées, qu'elles choisissent ou non de marcher dans mes pas. Je voudrais qu'elles puissent écouter leur coeur, peu importe si celui-ci leur dicte un parcours peu commun.
Surprenant, parfois, où les soupers fondue peuvent nous entraîner !
Je crois que Grande Ado fera à nouveau des rêves romantiques. Je crois qu'elle voudra connaître le véritable amour, l'attendre s'il le faut, et l'estimer à sa juste valeur comme étant une réussite de vie et une source profonde de bonheur.
;o)