vendredi 16 octobre 2009

La vie est un long fleuve tranquille



Tout reprend toujours son cours. Peu importe l'épreuve, ou le chagrin, le fleuve coule et la vie continue, imperturbable. C'est une bonne chose. La vie nous entraîne à la vie, malgré une certaine volonté, parfois, à figer les choses, les souvenirs, les pensées, dans un ultime espoir pour ne rien perdre de ce qui reste fugacement, en dedans.

J'ai ma mère à la maison cette semaine. L'entente est plutôt cordiale, pour une fois. Malgré nos ages respectifs, il nous arrive encore souvent de mal nous comprendre ce qui est triste car il faut profiter de chaque moment. Nous sommes très différentes, et nous travaillons à accepter ce fossé depuis au moins vingt-cinq ans. Ce qui aide: personne n'a de mauvaises intentions, que de l'amour, et des attentes parfois déçues. C'est étonnant parfois comme deux personnes animées des mêmes dispositions peuvent, par des modulations de niveau de langage, d'expression, de traits de caractère (impulsivité, sensibilité, autorité...etc.) en arriver à se sentir étrangères l'une à l'autre. On appelle cela être, ou pas, sur la même longueur d'onde. Je suis FM, ma mère AM, nous nous croisons parfois.

La saison froide est en train de surprendre toute notre planification de rénovation. Il fait si froid la nuit: impossible de peinturer le balcon. Certaines choses doivent être accomplies avant l'hiver et nous tirons de la patte. C'est un peu contradictoire de considérer les agents immobiliers, et les futures maisons, sans être prêts pour vendre. Il me tarde de trouver cet équilibre.

Je vous remercie sincèrement pour vos condoléances dans le billet précédent. Ce furent de beaux aurevoirs malgré le long voyage. Je n'ai aucun regret d'être allée malgré que j'appréhendais ce moment depuis deux ans au moins. J'ai pu renouer avec oncles, tantes et cousins, prendre des nouvelles de chacun. Ce sont toujours des minutes uniques, et chaleureuses que ces retrouvailles avec des visages qui ont marqué l'enfance.

Je suis arrivée deux minutes avant la cérémonie, avec Petit mari et Grande Ado. J'ai pris place à l'avant tel que d'aimables vieilles dames me l'ont indiqué. Puis j'ai attendu ne sachant rien du déroulement. Quand j'ai vu le cercueil gonflé de roses d'avancer dans l'allée, et toute ma famille derrière, je n'ai pu retenir mes larmes plus longtemps, moi qui me maîtrisait si bien depuis l'annonce de la nouvelle. Tous ces visages, que j'entrevoyais à travers mes larmes, et qui me retournaient ce regard triste mais entendu, cette sympathie qui se passe de mots tant elle est réciproque... Des sourires tendres, des sourires francs, des êtres bien vivants et familiers que pourtant je ne côtoie plus depuis des lustres. Grand moment d'émotion, nécessaire, noble, rassembleur. Faut-il toujours la mort pour rassembler les familles frappées par la diaspora?

Grande Ado s'est comportée dignement, mais elle a flanché quand elle a vu son grand-père s'écrouler dans son banc, les épaules courbées et houleuses, la main portée au visage pour masquer sa faiblesse pourtant bien légitime. L'Homme réduit humblement à sa plus simple expression. Si difficile aussi de voir toutes ces femmes dignes dans leur chagrin, dressées dans la tempête, mais tellement ébranlées. Leçon de vie pour elle, mais en même temps, occasion de palper tangiblement les liens qui unissent les êtres de même sang. Puisque elle ne connait aucunement la famille de son père biologique absent depuis sa naissance, elle n'a que "mon côté" de sa généalogie qui lui soit vraiment propre. Toute cette famille élargie, elle ne l'avait jamais rencontrée en vrai. C'est dire depuis combien d'années je ne les avais pas vus moi-même.

Petite Fleur se réveille et je dois m'arracher à ce récit. La vie m'appelle, je ne peux me défiler. Je suis une Femme, et les femmes sont les pilliers.

5 commentaires:

Sam a dit…

C'est un très beau billet. C'est triste, mais très vrai. Malheureusement, il semble que ça prenne des évènements semblables pour rassembler tout le monde. J'espère que tout ira bien, c'est toujours difficile de continuer à avancer après des épreuves comme celles-ci. Je t'envoie de l'énergie !:)

Marie-Lionne a dit…

Suis sans voix, avec des larmes sur les joues. à mesure que je lisais, je VOYAIS la scène. Y a bien des romanciers qui peuvent aller se r'habiller, tu les bats à plate couture...

La Mère Michèle a dit…

ahahaha Lionne, merci infiniment!
Je caresse ce rêve, d'écrire un jour!

Sam, je reçois ton énergie!! :)

Anonyme a dit…

D'abord, toutes mes sympathies pour cette grande perte pour toi.
Je dois ensuite te dire, que ce texte est simplement, magnifique!
Courage! ;)

Hop mama a dit…

Magnifique... J'ai de gros frissons... Absente de la blogosphère depuis quelques semaines, je ne savais rien de ton affliction... Sache que je t'offre toutes mes condoléances... Ta plume est superbe, vraiment...

Un pilier seul ne peut tout supporter, femme ou non, on a besoin d'être entourées pour être plus forte...

Je pense à toi x

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