lundi 24 janvier 2011

Le bon géant




Il est de certains mots d'enfants qui, par leur candeur, leur pure naïveté, leur spontanéité, font fondre notre coeur de parents. Pour les années à venir, nous les gardons précieusement dans notre coeur comme des perles dont le souvenir fait renaître un peu de cette chaleur qui nous avait envahi alors.

Une fillette de trois ans, c'est pas bien gros. Même les mains de maman semblent énormes lorsqu'elles encadrent le visage étroit de Petite Fleur, caressant au passage le menton déjà affermi, lui. Un petit cou frêle, des bras de poupée ornés de mains de porcelaine, un bedon d'ourson, des genoux comme des petites prunes et des pieds gardant encore leur perfection parfaite de bébé naissant. Ai-je le souvenir encore en mon propre intérieur d'avoir été si petite? Quand ai-je cessé de considérer le monde comme un vaste espace de perdition dont il fait si bon être protégée par deux bras puissants? Sans doute quand mon égo grandissant d'adolescente s'est convaincu de son importance, chose un peu nécessaire si l'on veut être capable d'affronter la vie.

Petit mari, un homme fort et costaud, se saisit souvent des enfants comme de poids plumes. Il faut voir le ravissement qui s'empare d'eux, au moment même où ils sont charriés sans ménagement par cette force de la nature, qu'ils pressentent bienveillante. Je crois qu'ils se sentent alors en sécurité plus que nul part ailleurs, malgré l'agitation.

Hier soir, Petit mari soulève gentiment sa Petite Fleur, son petit bout de femme si caractériel et craquante à la fois. Après un brusque envol vers le ciel, cette dernière en profite pour nouer ses bras autour du cou du grand chêne, empêchant ainsi la descente vers la terre ferme. Son petit ventre en contact direct avec le coeur qui bat puissamment, le nez enfoui dans l'épaule et le reste de son corps retenu par le bras opposé à l'épaule accueillante, elle ne bouge ni ne souffle mot pendant que papa continue de parler. Tel un bébé singe aggripé à la mère nourricière.

Attendrie, je caresse son dos et lui demande un peu moqueuse: "...mais que fais-tu là?". Je suis curieuse de ce qui peut se passer dans sa petite tête d'enfant, ainsi positionnée presque transversalement sur la poitrine de son père, maintenue davantage par ses propres efforts que par ceux de l'Homme.

Elle me répond: "Je joue, je joue euhh au collier de papa". Ces mots chuchotés tout sourire, impreignés d'une certaine retenue comme s'il s'agissait d'un secret intime.

J'ai trouvé cela complètement renversant, puisque cela participait d'une vision du monde qui échappe irréversiblement aux adultes. Ma fille se sent petite, au point de s'imaginer être un ornement au cou de son papa.

Nous oublions que pour nos enfants, nous sommes tout-puissants. Rien de surprenant à ce qu'ils recherchent notre amour et notre protection, au détriment du bon sens, parfois. Ne dit-on pas que même les enfants battus aiment leurs parents et cherchent leur affection malgré tout?

Rôle noble que celui de parent, rôle crucial. J'aime à penser que nous sommes de bons géants pour notre progéniture. Que celle-ci sera dotée une perception profondément positive de la vie, une sécurité affective. Parce que nous les rassurons, parce que nous les protégeons, parce que nous sommes là.

Petite Fleur sera très longtemps au fond d'elle-même, la minuscule fillette de son papa.

3 commentaires:

Joan Durand a dit…

Oh! oui, longtemps longtemps longtemps! Et peut-être toujours. :-)

Unknown a dit…

Quel texte touchant.
Bien écrit.
Merci!
Je me suis régalé!

Éléonore a dit…

c'est un privilège que tout le monde n'a pas eu d'avoir un père aimant, compréhensif, protecteur.

Je pense que c'est un cadeau pour la vie, la pierre angulaire d'une personnalité équilibrée.

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