mardi 14 juillet 2009

L'aimer à son corps défendant



Parfois, la psychologie humaine prends des détours tortueux qu'il est difficile de cerner. Pire encore pour la psychologie de l'adolescent! Bien pire. C'est un passage de la vie où l'on teste les limites, les possibilités, et aussi, l'amour. L'on teste les sentiments des autres, leur fidélité de coeur, ils deviennent comme des cobayes en plein laboratoire de la vie!

Je découvre cela. Je savais pour les limites, mais je ne pouvais pas m'imaginer que l'une de mes filles irait jusqu'à tester mon degré de fidélité maternelle face à la distance, l'indifférence. Tester ma réponse, mon cri du coeur, mon besoin d'être près d'elle.

Depuis qu'elle a commencé son travail, Grande Ado s'éloigne. Elle nous fuit en arrivant à la maison, refuse de nous donner un échantillon de ses journées, n'aborde aucune problématique avec moi alors que je n'ignore pas qu'elle en vive vu la particularité de son mandat. La moindre insistance auprès d'elle entraîne sa fermeture telle une huitre. Nous (Petit mari et moi) ne nous sommes jamais rendus coupables de rien, aucune indiscrétion ni insistance. J'ai laissé faire pendant quelques semaines, mais depuis peu la situation empirait, et pendant qu'elle remplissait le carnet d'évolution de la jeune hier soir, je me suis hasardé à glisser un oeil sur les commentaires rédigés par elle avec grand soin. La crise! Ouf! Et les insultes!

Plusieurs mères auraient hurlé à l'impolitesse, moi j'ai hurlé ma peine, comme je le fais toujours, au lieu de monter sur les grands chevaux des principes éducationnels. Je suis son alliée dans la vie et je ne comprends pas qu'elle me mette à l'écart de sa toute première expérience en emploi. Je ne suis pas une donneuse de conseils, elle n'a rien à craindre. Je ne demande qu'à l'écouter, toujours.

Aujourd'hui, son comportement est différent. Mon cri du coeur aura porté fruit. Je lui ai dit clairement que je n'allais pas la laisser prendre de la distance envers moi dans la vie, comme je l'ai fait avec ma propre mère, sans me battre. Je désire être proche de mes filles, je veux qu'elles se sentent libres de venir à moi, pas comme une obligation, pas pour les étouffer, plutôt pour qu'elles y trouvent du réconfort. Pour cela, je dois répéter ce désir, je dois manifester l'ouverture malgré les rebuffades, ouvrir mon coeur avec honnêteté et non pêcher par l'orgueil en me réfugiant dans une tour de principe (ex: tu me dois respect, etc). Sans forcer les confidences ou outrepasser l'intimité, ma stratégie est de n'être jamais bien loin. Malgré qu'un ado, ça a bien à coeur de nous faire comprendre que ça peut tout faire seul, maintenant.

Je crois sincèrement que ma Grande Ado ne se comprends pas toujours elle-même. J'ai bien vu par son sourire en coin, en entendant sa mère dire qu'elle est toujours sa fille adorée, que je venais de toucher une corde. Je pense que la distance entre deux êtres commence par une petite chose, un petit malentendu, qui prend de l'ampleur, comme dans un couple en fait. Laisser de l'espace pour une acquisition de l'autonomie, oui, mais ne pas laisser l'enfant complètement à lui-même. Conserver la communication, le contact coûte que coûte, l'entourer d'amour parfois même à son corps défendant, empêcher le silence. Préserver la solidité du lien de façon à ce que l'enfant ne doute jamais de la fidélité d'un coeur de parent, malgré la bouderie ou les chamaillerie.

Quelque part, le contact s'est rompu avec ma propre mère, si jeune que je ne saurais en avoir souvenir. Je crois que je réussis à éviter ce gouffre. Je me battrai sans relâche pour y parvenir. C'est si particulier, élever une fille, une femme. Si délicat. Et elles sont le coeur de ma vie.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

....si ma mère avait été comme ça quand j'avais l'âge de Grande Ado, ça aurait été un peu moins compliqué :S

As-tu su pourquoi elle s'éloignait?

La Mère Michèle a dit…

C'est moi qui me suis éloignée...

Dernièrement j'ai encore "testé" sa capacité à me comprendre, à s'émouvoir devant ma tristesse, et je n'ai obtenu qu'un "commence-moi-pas-ça"...

Très décevant!

Anonyme a dit…

Je me suis mal exprimée...je parlais de ta fille.
Mais je comprends ta déception! :S

La Mère Michèle a dit…

Ahhh!!! lol
Elle m'a simplement dit qu'elle n'aimait pas son travail et qu'elle voulait décrocher une fois à la maison!

Ça n'empêche pas de répondre aux questions occasionnelles ça!

Depuis cette discussion, elle laisse échapper quelques détails. Je sens qu'elle a besoin de soutien dans cette histoire et l'intervenante ne lui est pas de grand secours. Tsé faut qu'elle paie son matériel et imagine elle-même des activités propres à intégrer un enfant déficient profond!

Bref, pas une période facile pour elle.

Je vais l'aider de mon mieux!

Mi-trentaine a dit…

Serait-il possible de discuter avec l'intervenante qui est supposée l'encadrer?

La Mère Michèle a dit…

Elle me répond qu'il n,y a rien de plus à faire....

Caroline (La Belle) a dit…

C'est vraiment dommage ce qui arrive. Son emploi semble vraiment prendre beaucoup de ses pensées. Mais peut être lorsqu'elle sera prête, et qu'elle en ressentira le besoin, elle se rouvrira et se confiera. Je le souhaite de tout mon coeur.

Evyzamora a dit…

Très touchant ton billet. Il vient me chercher énormément..... C'est de trouver l'équilibre, s'impliquer auprès d'eux mais pas trop, leur parler mais en les laissant s'exprimer et je sais que ce sera un défi parce que la relation mère-fille est souvent plus particulière et parfois même plus fragile....

La Mère Michèle a dit…

Voilà Evy, tu me paraphrase à merveille!

Unknown a dit…

Je sais pas comment je réagirais, parce que mes enfants ne sont pas encore rendus là.

Mais je sais que moi devenue adulte, je me suis rapprochée de ma mère beaucoup. Je l'appelle presque 1 fois par jour.

JE te souhaite une relation comme ça avec ta fille.

Marie-Lionne a dit…

Parfois quand nos enfants sont ados, le fil qui nous relie est tellement ténu que ça fait peur. L'important est qu'il ne se coupe pas complètement. Et puis un jour, sans crier gare, le fil se solidifie. Un bon matin on se lève et on réalise que l'ado est devenu un jeune adulte, et que la relation avec lui s'est adoucie. C'est toujours notre enfant, mais tout se vit différemment.

D'après ce que tu racontes, tu veilles bien à ce que le fil ne se coupe pas. C'est le mieux que tu puisses faire je crois. En tout cas cela a fonctionné pour moi avec L1. Quand il a eu 19 ans, notre relation a évolué, et aujourd'hui je suis comblée, nous avons trouvé notre équilibre.

je suis sûre qu'il en sera de même pour toi et ta fille, et ceux qui suivent. parce que tu es une maman attentive et dévouée. :-)

La Mère Michèle a dit…

:)

Merci Lionne!

Déjà, ça prends du mieux pas mal ici ;o)
Jusqu'à la prochaine vague *soupirs*

Grande-Dame a dit…

My God! C'est ce qui me fait particulièrement peur avec ma fille, finir par perdre ce fil.

Heureuse de lire que tout n'est pas perdu avec ta Grande Ado.

Joan Durand a dit…

Je suis maman d'une petite ado et d'un grand ado. Ce commentaire m'a beaucoup touchée. Ils sont parfois si "inatteignables". Je me sens parfois bien seule. Heureusement, il y a aussi ces moments de pur bonheur à les regarder grandir, qui compensent.

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