dimanche 1 février 2009
Une deuxième vie
C'est ce que connais la chaise berçante de Petite Fleur, auprès de nous, nuits après nuits.
Trouvée au hasard d'une promenade tout juste avant mon accouchement, cette berçante de marque, couleur bourgogne, arrivait pile poil. Cette grande dame n'avait pas eu la vie facile récemment, on le sentait, mais elle était encore dans un état non loin de la perfection. Aucune égratignure sur le bois, rembourrure et coussins pratiquement inutilisés. Elle présentait un bris majeur dans les articulations de mouvements, ce qui lui avait valu le "bord du chemin". De plus, ses coussins empestaient la cigarette de façon intenable, et ils étaient en outre couverts de poils de chats en abondance.
Mais cela commence souvent de cette manière, avec nous. Nous récupérons un objet, nous lui redonnons vie, nous lui faisons une place dans notre quotidien. Cette chaise entrait par la grande porte, de surcroît. Elle se mettait au service de notre princesse-née.
Petit mari a donc réparé le mécanisme, lavé les coussins plusieurs fois, épousseté tous les recoins. Le temps a passé, elle a attendu son heure, sagement. Mais elle a sa personnalité propre! Jamais je n'ai vu une chaise grincer autant, malgré tous les traitements de faveur. C'est une vieille radoteuse! De plus, elle perd constamment un morceau: un écrou, une vis... Comme si elle voulait nous rappeler qu'il ne faut pas trop lui demander, qu'elle avance en age, qu'elle arrive de la ruelle!
D'une berçante banale, comme tant d'autres, elle est devenue celle qui a accueilli les premiers jours dans le monde de Petite Fleur. Les premières photos significatives ont pour cadre son grand coussin en corolle autour de ma tête, et la sienne. Le grincement si particulier a accompagné mes premières tétées si pénibles, livrée à moi-même et aux prises avec un nouveau-né affamé mais incapable d'extraire son contentement. Une trop petite bouche, un réflexe déficient? Ça a fini par le tire-lait pour quelques mois. Mais combien d'essais parfois couronnés de succès au creux de cette chaise?
Petite Fleur étant une insomniaque, cette grosse Bertha est devenue aux fils des mois notre complice. (Ici, toutes les vieilles guimbardes se nomment Bertha hihihi). Cette nuit, je me faisais remarquer combien elle nous soutenait sans broncher à la tâche. Il faut entendre le son de notre corps las, épuisé, s'effondrant à la rencontre du bois dans un craquement sonore de fin du monde. Elle endure, Bertha, elle endure. Elle mange sa volée chaque fois. Sans ployer, sans nous trahir dans un faux mouvement embarrassant ou même risqué. C'est souvent comme cela avec les objets recyclés: ils nous aiment, ils nous remercient de les avoir sauvés d'une déchéance certaine. Ils nous sont fidèles. Avec les multiples gouttes de lait séché parsemant sa surface, la poussière dans ses rouages, et une position plutôt discrète, elle se contente. Et nous aussi. Harmonie.
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4 commentaires:
C'est tellement l'fun une chaise dans ce genre. Ma maman a une chaise berçante en bois qui remonte à mon arrière grand-mère je crois. J'ai bercé mon fiston dedans aussi.
Ces meubles qui ont une histoire (autre que: nous l'avons acheté chez Ikea) sont de véritables trésors. Un texte inspirant qui donne envie de se promener le soir des vidanges! On y trouve parfois de véritables perles, en effet! ;-)
O my god! M :) Tout un billet inspirant ce serait si...
Si je me mettais à faire l'énumération, on verrait que bon nombre de choses présentes ici proviennent d'une vente de garage pas cher, quand c'est pas carrément les vidanges, ou se découvrent des trésors! :)
Je suis presque exclusivement meublée d'antiquité. Même le piano a plus de 100 ans...
hihihi
Comme tu écris bien! J'ai bien aimé lire ce billet!
Et si les gens qui ont mit cette chaise au chemin savaient cette deuxième chance, cette deuxième vie qu'elle a eue!
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