Les chansons de l'enfance

Je suis une personne musicale. Je joue de plusieurs instruments. Vers l'age de 5 ans, j'ai eu un professeur, plus tard chef d'orchestre pour un grand ensemble à Montréal, qui disait que j'aurais pu faire virtuose tant l'oreille musicale était prépondérante chez-moi, et l'est encore. Si bien que pour moi le chant est un mode d'expression important. Il est bien souvent le vecteur de mes émotions. Le piano aussi. La musique en général; celle que l'on joue, davantage que celle qu'on écoute.

Devenue mère, je chante encore. Aussitôt qu'on me donna ma première née à étreindre, je lui chuchotai à l'oreille une mélopée dont j'ignorais l'origine mais qui montais des profondeurs de mes entrailles, doucement, sans prétention. Une voix la chantait en moi, je la chantais au dehors, un peu gênée d'inventer une suite de sonorités reconnue par personne.

Cela ressemblait à: Doulaye doulaye doulala! Doulaye dou, doulaye la!

Des années plus tard, il me vînt à l'idée que cette chansonnette avait pu m'être offerte dans mon enfance. J'interrogeai mon père qui, attentif, reconnut un vieil air québécois ou français le sait-on? Il me dicta la suite: "qu'il n'était pas bête ce p'tit crapeau là!". Parcontre, il m'avoua ne pas avoir souvenir de l'avoir chantée à ses enfants.

Par la suite, j'entendis Carmen Campagne l'interpréter sur l'une de ses cassette. Parcontre, elle utilisait "troulayla". Je trouve cela un peu moins élégant, mais bon, la chanson ne m'appartient pas! lol

Je n'avais aucun souvenir de la chanson proprement dite, et j'ai été bien surprise d'apprendre qu'elle parlait de grenouilles. Je ne m'en rappelais pas, et pour cause: j'ai découvert qui la chantait à mes oreilles d'enfant, fidèle à la version tronquée et adaptée que j'avais mémorisée.

C'était ma grand-mère, celle du billet précédent.

Samedi dernier, je lui ai demandé à brûle-pour-point si cet air lui disait quelque chose. Et la voilà qui s'est mise à chantonner d'une voix chevrotante, exactement de la même façon que moi, le petit bout de syllabes qui m'avait tant réconforté. C'était son air lorsqu'elle nous prenais dans ses bras, un air qui consolait tous les chagrins. Je l'avais oublié, mais une partie de moi le conservait bien au chaud et le restituait à mes bébés, comme une sorte d'héritage.

Je chante cela, et plus encore: des chansons de Passe-Partout, la Poulette grise, le Coucou, et même des inventions personnelles. Je l'ai fait si souvent que maintenant, Petite Fleur est capable de terminer les phrases de toutes les chansons qu'elle connait. Par exemple, si je dis: doooooooodo tititi ... elle répond maman, si li pas dodo crable va ... elle répond manger!

À dix-huit mois, son répertoire est déjà bien garni. Et j'espère être là pour entendre ce qu'elle chantera à son tour, avec un bébé dans les bras.